Athlètes, pour le combat de la foi.
Publié par Paroisse Sainte Colette des trois vallées
A l’heure des jeux olympiques et du ressourcement de l’été, Mgr Le Stang nous propose une méditation pour relire notre vie à la lumière des postures que le sport nous pousse à cultiver*
Le sport, étymologiquement, est une détente, un amusement aussi. Comme les activités culturelles, il a une part de gratuité, nécessaire à la respiration d’une vie et à son incarnation. Par son lien, entre autres, au corps et à la vie commune, il n’est pas sans analogie avec l’expérience chrétienne. L’Évangile ne fait pas allusion, comme tel, à ce genre d’activité physique ou ludique. Il est même pudique : le corps de Jésus n’est pas décrit et aucun jeu de séduction ne le traverse lorsqu’il se livre pour la vie du monde. Saint Paul use d’un certain nombre de métaphores tirées des jeux du stade, mais cela n’infère pas qu’il était un praticien du sport. Le passage de son zèle pour la Loi à la Passion de l’Évangile, l’a conduit à s’occuper autrement qu’en encourageant les athlètes dans les gymnases !
L’essence de l’activité sportive, peut cependant nourrir notre chemin de foi, notre combat spirituel et notre vocation à la sainteté. Voici une petite méditation qui mêle réflexion sur l’activité sportive, accueil de quelques versets de l’Écriture et interrogation sur notre être au monde dans l’Esprit Saint.
Se concentrer.
Le sportif, pour un entraînement sérieux ou une compétition, se concentre. Il se rend présent à son corps. Il soigne son « mental » au sens où il ne se laisse pas affecter par des états d’âme perturbateurs. Il soigne son attention à ce qu’il vise. Il est conscient des muscles de son corps les plus sollicités, et de son être tout entier. Il est très attentif à son souffle, sa respiration intérieure. Il ne se compare pas, ne se sous-estime pas, ne se détache pas du réel. Dans l’action même, il reste présent à son acte. Que ce soit au tir à l’arc, à une descente en slalom, à une compétition de natation ou d’athlétisme, rien ne le distrait. Veillant sur son corps et son mental, il est attentif à ne pas se mettre en danger et connaît ses limites.
Comme s’accomplissait le temps où il allait être enlevé au ciel, Jésus, le visage déterminé, prit la route de Jérusalem. Luc 9, 51
Quel est celui d’entre vous qui, voulant bâtir une tour, ne commence par s’asseoir pour calculer la dépense et voir s’il a de quoi aller jusqu’au bout ? Luc 14, 28
Ces versets, parmi d’autres, nous enseignent la gravité du pèlerinage chrétien. La vie croyante est réaliste. Elle nécessite de la concentration, une attention au présent, une connaissance de soi, une détermination qui se voit sur le visage. C’est une aventure certes, ouverte à l’inconnu mais qui est engagement de tout l’être, corps, âme et esprit.
Spectateur du sportif, ou me souvenant de mes activités sportives actuelles ou passées, je m’interroge : quelle présence au réel dans ma vie, au moment des actes qui demandent une forme d’ascèse ou du courage, comme la montée de Jésus à Jérusalem, en cette étape où il engage sa vie ? Quelle attention mes forces et faiblesses pour m’engager à « bâtir une tour » et à aller au bout de cet engagement ?
Éprouver.
Le sportif passe par l’épreuve, celle de l’entraînement ou de la compétition. Cette épreuve unit un désir profond et l’acceptation d’une souffrance, parfois intense et durable, qu’implique l’entraînement. Elle est un exercice à recommencer à l’infini. Elle est un combat rude, qui exige motivation et fidélité dans les entraînements quotidiens sans lesquels aucune victoire n’est possible.
Luc 22, 15 : J’ai désiré d’un grand désir manger cette Pâque avec vous avant de souffrir.
2 Tm 4,7 : J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la foi.
Le combat spirituel est l’ordinaire des jours pour le croyant. Pour la foi que j’ai gardée, béni sois-tu Seigneur, dit un cantique. La foi ouvre sur un grand désir, celui de voir Dieu, de conquérir le monde au Christ, d’incarner l’Évangile auprès des plus pauvres, de prouver par notre vie que Dieu existe et qu’il est bon. Cela suppose un combat contre ses propres paresses, ses démons, et contre tout qui nous ferait croire qu’il est aisé de pardonner ou d’aimer ses ennemis. Le désir de Jésus tendu vers Pâque est l’acte du combattant livré pour la victoire de la Croix. Il a vaincu Satan au désert et l’a repoussé à toutes étapes de son cheminement, y compris dans son agonie (ce mot, du reste, veut dire combat (agôn)).
Je m’interroge : Quels combats continus mon engagement de foi m’a-t-il poussé à vivre ? Comment ai-je renoué, à chaque découragement, avec le « grand désir » qui m’a poussé à les vivre ? Quel est mon combat, mon agonie du moment ?
Fraterniser.
Le sport et l’amitié font bon ménage. Quel bonheur de retrouver ses amis, ses compagnons d’effort et de jeu, ses adversaires d’un moment ou de toujours, pour s’entraîner et performer ensemble. « Cette victoire est celle de toute une équipe » dira le vainqueur, bon prince et réaliste à la fois, à quoi il ajoutera les remerciements au public, car un effort à supporter est plus facile avec des supporters ! Il y a une beauté et une fécondité dans l’élan du sportif, le fair-play, la course ou le jeu en équipe, la transmission de relai, la virtuosité, l’art de gagner et celui de perdre. Le sportif illumine le visage de l’enfant handicapé et parfois court pour lui. Il court pour ceux qui ne courent pas comme d’autres prient pour ceux qui ne prient pas. « Jouer sportif », c’est donner de l’amour.
Puis, il gravit la montagne, et il appela ceux qu’il voulait. Ils vinrent auprès de lui, et il en institua douze pour qu’ils soient avec lui et pour les envoyer proclamer la Bonne Nouvelle, avec le pouvoir d’expulser les démons. Donc, il établit les Douze : Pierre – c’est le nom qu’il donna à Simon –, Jacques, fils de Zébédée, et Jean, le frère de Jacques – il leur donna le nom de « Boanerguès », c’est-à-dire : « Fils du tonnerre » –, André, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Jacques, fils d’Alphée, Thaddée, Simon le Zélote, et Judas Iscariote, celui-là même qui le livra. (Marc 3, 14-19)
Jésus sélectionne une équipe. Tous ne sont pas appelés. Les appelés se mettent à son école. Ils s’exercent à le suivre, dans ses longues marches. Il les entraîne à Jérusalem, où il va mourir pour ressusciter, et eux avec lui. Il leur apprend à fuir l’entre-soi d’une élite, et à vivre pour les malades, les infirmes, les possédés et les pécheurs. Pour le salut du monde. Leur fraternité est prophétique. Ils sont appelés à être serviteurs et aussi, par grâce, des amis.
Je m’interroge : avec quels frères et sœurs, en équipe et fraternité, ai-je eu la joie de donner le meilleur de moi-même, d’être soutenu et de soutenir, de servir, de fraterniser et d’éprouver des amitiés qui me nourrissent encore aujourd’hui ? Qui sont mes compagnons d’épreuve, ceux-là seuls avec qui j’ai vécu d’inénarrables combats ?
Respecter les règles.
Le sport a-t-il une âme ? Je ne sais pas, mais les sportifs, eux, en ont une, j’en suis sûr. Tout authentique athlète, comme l’artiste ou le saint, a au fond de lui-même, – plus fort que les tentations de l’argent, de la corruption, du dopage, de la gloire -, le désir de donner le meilleur de lui-même. Il a, en quelque sorte, un appel à sortir de lui-même, un talent à déployer. En fuyant tout ce que « le système » engendre, il s’atteint lui-même et trouve la joie. Le sport apprend l’humilité, et bien d’autres vertus, qui s’acquièrent par la pratique et le respect de règles parfois sévères. Ces règles font la beauté du jeu et de l’épreuve. Le sportif communie ainsi avec le peuple des humbles. Ses plus belles victoires sont d’abord sur lui-même. Elles sont don de grâce. Il en est parfois le premier surpris.
Jésus dit une parabole aux invités lorsqu’il remarqua comment ils choisissaient les premières places, et il leur dit : « Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place, de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi. Alors, celui qui vous a invités, toi et lui, viendra te dire : “Cède-lui ta place” ; et, à ce moment, tu iras, plein de honte, prendre la dernière place. Au contraire, quand tu es invité, va te mettre à la dernière place. Alors, quand viendra celui qui t’a invité, il te dira : “Mon ami, avance plus haut”, et ce sera pour toi un honneur aux yeux de tous ceux qui seront à la table avec toi. En effet, quiconque s’élève sera abaissé ; et qui s’abaisse sera élevé. » (Luc 14, 7-11).
L’Évangile invite à ne pas faire « comme le font les païens », les hypocrites ou les fanfarons qui transgresse les règles ou se hissent du col. Il est contre ce qui dévoie le sport. Il est passage par la petite porte de la voie de pauvreté, ouverte à celui qui découvre combien « aimer, c’est tout donner, et se donner soi-même ».
Je m’interroge : la volonté de vaincre, de gagner, d’être parfait comme le Père céleste est parfait est-elle encore traversée par la volonté de puissance, de possession, de vaine gloire ? Quelles pratiques, quelles rencontres authentiques, quelles combats me remettent sur le chemin de la pauvreté de cœur, et le consentement à mes faiblesses ?
Je vous laisse poursuivre cette méditation sur le « geste sportif ». Elle peut éclairer ce que nous avons à vivre à la suite du Christ. Il y a beaucoup à dire. L’Écriture Sainte éclaire le destin de l’homme, tiré du limon pour resplendir de la Gloire de Dieu. Les athlètes, au sommet de leur de leur discipline et de leur fraternité, disent quelque chose de cette transfiguration promise à nos pauvres êtres. Ils incarnent la sortie de soi, éclairant ceux qui aspirent à au sommet de cette sortie de soi en criant : Pour moi, vivre, c’est le Christ (Phil 1,21). L’homme nouveau, pauvre de cœur, mobilise mieux ses forces quand d’autres lui ouvrent la voie. Il ressent, non loin de lui, la présence trinitaire, Amour qui infiniment se donne. Si le sacrifice et le bonheur des sportifs nous y aident, merci à eux et gloire à Dieu.
+ Gérard Le Stang
Évêque d’Amiens.
* Sur la base d’un article paru dans la revue Cor Unum, mai-juin 2024 (n° 3).
Télécharger ici
Similaire
Publié le 3 août 2024, dans actualité, Message de notre évêque, et tagué Actualité, Message de notre évêque. Bookmarquez ce permalien. Poster un commentaire.
Poster un commentaire
Comments 0