Lourdes en Somme : méditation de Bertrand Ledieu
A l’occasion de cette semaine du 15 août nous pouvons lire ou relire les méditations proposées lors de la semaine de Lourdes dans la Somme.
Voici la troisième
L’Immaculée Conception
Méditation de Bertrand Ledieu :
Je suis « l’Immaculée Conception ».
Ces mots sont mystérieux tels que Bernadette les reçoit de la Vierge Marie à Lourdes, mais Marie sait parler le langage qui peut rejoindre cette toute jeune fille. Elle ose dire, en patois basque, qu’elle est « l’Immaculée Conception ». Alors la première chose que je retiendrai, c’est que « l’Immaculée Conception », le dogme de l’Immaculée , ce n’est pas ce qui coupe Marie de nous, ce qui sépare Marie de nous, sinon pourquoi se serait-elle intéressée à la plus petite qui était à Lourdes, selon les propos mêmes de Bernadette Soubirous, sinon pourquoi se serait-elle risquée à parler la langue de cette enfant, oser dire des mots de théologien, des mots d’une grande complexité peut-être pour nous, à une toute petite et dans la langue qu’elle sait entendre, qu’elle sait parler et dans laquelle elle osera faire l’annonce de sa rencontre à son curé.
Alors oui « l’Immaculée Conception », ce n’est pas ce qui ferait de Marie une super femme, habitée d’un super pouvoir, celui d’ être à l’abri de tout péché, on dirait un peu vite et un peu mal « parfaite » donc là encore c’est vrai ce que nous sommes.
Or, le dogme de « l’Immaculée Conception », je ne vais pas l’exposer en quelques mots, mais je retiendrai une intuition toute personnelle pour dire justement que ce dogme ne dit pas que Marie est radicalement différente, autre, loin de nous. Elle serait plutôt cette humanité réconciliée déjà avec Dieu, libérée.
Pour moi, « l’Immaculée Conception » dirait que Marie est la femme parfaitement libre dans toute la vie, libre dans notre histoire. Dieu lui a donné la liberté d’être même préservée du péché, de ce qui nous rend esclave, esclave de nos égoïsmes, esclave de nos peurs, esclave de nos morts, ce qui nous retient, ce qui nous abîme.
Et « l’Immaculée Conception », ce n’est pas exprimé d’une manière claire et sensible, nous est révélé même dans la Parole surtout si on suit les leçons de Saint Luc.
Qu’est-ce que nous dit Luc dans l’Annonciation à la Vierge Marie ?
La liberté pour dire « oui ». Ce « oui », il vient d’elle, il vient de cette liberté que Dieu lui a accordée. Marie n’est pas la petite chose qui obéit à Dieu. Marie n’est pas une espèce de robot programmé par Dieu dès avant sa conception pour être un ventre parfait pour son Fils. Non, Marie est une femme libre et on l’entend depuis un moment dans le chant du Magnificat, dans son chant, une femme libre, pleine de vie, qui choisit librement, sans contrainte. C’est un vrai consentement de dire « oui » au projet de Dieu.
Je suis celle qui dit : Je suis « l’Immaculée Conception », je suis celle qui est libre. Et Marie, du coup, elle est proche de nous, elle nous ouvre un chemin qui dit : « Tu peux être libre, dans le consentement d’amour à Dieu » et elle nous dit en écho à son fils déjà que la vraie liberté, elle se situe dans la manière dont nous aimons, que Dieu nous a fait comme être pour aimer et puis :
Je suis « l’Immaculée Conception », dit la Vierge, c’est peut-être aussi l’invitation pour nous, et c’est un prêtre qui ose le dire, et bien modestement, à regarder aussi toute la dimension de la part féminine de l’Eglise. L’église se dit aussi au féminin. Marie, et le Pape François l’a rappelé, est Mère de l’Eglise. Mère, femme, tout n’est pas dit dans le fait qu’elle est mère, elle est aussi femme. Cette femme, cette jeune femme, pleine de liberté, pleine d’espérance, prête au défi, même si le Magnificat est un texte qui reste, je crois, mystérieusement très subversif.
Alors la démarche de contemplation du mystère de l’Immaculée Conception est peut-être aussi une démarche d’émerveillement devant tout l’engagement féminin de l’église.
Marie et Bernadette sont deux belles images de cet engagement, une invitation aussi, peut-être à plus reprendre au sérieux, la question de la place de nos femmes, de nos sœurs, de nos mères, de nos filles dans l’église et dans le projet de Dieu. Le projet de Dieu n’est pas que l’œuvre d’un Moïse, des prophètes, des rois, mais aussi de tant de femmes que Marie nous invite à redécouvrir, des Ruth,… tant et tant d’autres et même jusqu’à regarder d’une manière réconciliée Eve, qu’on accable un peu bien vite, parce que le fameux péché originel dont Marie est préservée n’est pas que le péché d’Eve, c’est le péché d’Adam et surtout une blessure dont tous les deux sont victimes et toute notre humanité est victime et dont le Christ vient nous guérir, nous rendre la vraie liberté , la liberté pour aimer.
Alors oui, Marie n’est pas celle qui, séparée dans la solution au ciel, celle qui serait trop lointaine, mais celle qui, à l’image de son Fils, veut être la plus proche et nous dit toujours : « Faites tout ce qu’Il vous dira ».
La fête de l’Immaculée Conception » nous dit : « Regarde le Christ, le libérateur de nos vies, regarde-le, pour ce que tu es, la grâce d’être homme ou femme, la grâce d’être enfant devant Dieu, une grâce qui fait de l’homme et de la femme aussi des égaux, une grâce qu’il nous faut toujours retrouver. Dieu a voulu sauver toute l’humanité en plaçant ainsi par les visages et l’unité, le masculin en Jésus et sauver l’humanité aussi dans le consentement du fait humain, mais soyons justes : quand Marie parle, elle ne parle pas que pour les femmes, mais aussi pour elles, mais aussi pour l’humanité, pour chacun d’entre nous.
Alors il y a peut-être aussi ce mystère de réconciliation à contempler dans le monde et dans l’église, sur le rôle de l’homme et de la femme dans le projet de Dieu, des égaux qui construisent l’église, qui font croire au Royaume de Dieu.
Beaucoup de choses se sont dites entre Marie et Bernadette, entre l’Immaculée Conception et une petite fille d’Eve, des paroles de tendresse, des paroles de réconciliation, des paroles d’espérance.
Après cette année compliquée, entendre Marie dire : Je suis l’Immaculée Conception, c’est aussi dire : Dieu est le libérateur de nos confinements, le libérateur de nos angoisses, celles des malades, celles des plus fragiles, celles de tous ceux qui ne seront jamais forts.
C’est dans l’amour que Dieu nous offre en Jésus, cet amour qu’elle consent pleinement, la Vierge Marie.
Publié le 12 août 2020, dans Non classé. Bookmarquez ce permalien. Commentaires fermés sur Lourdes en Somme : méditation de Bertrand Ledieu.